3.6 - Le fauchage

 

Le fauchage n'est pas une pratique traditionnelle de gestion des pelouses calcicoles, sauf dans quelques régions de montagne. Il s'agit plutôt d'une technique de substitution, un palliatif au pâturage dont il mime certains des effets:

- obtention d'une structure verticale basse du tapis herbacé,

- maintien d'un niveau trophique bas du sol, si le foin est exporté,

- enlèvement de la litière de végétaux morts et secs qui a tendance à s'accumuler sur le sol en cas d'absence de gestion et qui a des effets mécaniques, microclimatiques, voire chimiques, négatifs sur la germination de nombreuses dicotylédones,

-contrôle des germinations de végétaux ligneux,

Le fauchage présente des avantages pratiques certains sur le pâturage :

- il requiert une technicité moindre de la part des intervenants et des gestionnaires,

- il ne nécessite pas d'installations préalables (clôtures),

- en dehors des périodes de fauche, le matériel n'exige pas de surveilance ou de soins quotidiens particuliers.

C'est pourquoi le fauchage est souvent le mode de gestion le plus facHe à entreprendre sur des pelouses où le pâturage traditionnel n'est plus pratiqué.
Il permet par ailleurs des rencontres conviviales à l'occasion de chantier de gestion rassemblant des bénévoles soucieux d'oeuvrer concrètement à la protection de la nature.
Les principaux reproches adressés au fauchage par ceux qui préconisent le recours exclusif au pâturage sont réels, mais peuvent être largement minimisés ou compensés :

- le fauchage entraine la constitution d'un tapis végétal de structure horizontale et verticale homogène. Cela est vrai pendant les premières semaines suivant la fauche. Mais on constate (Réserve Naturelle de Grand-Pierre et Vitain, par exemple) que, rapidement, les espaces fauchés sont fréquentés préférentiellement aux autres pelouses par les lapins ou autres herbivores sauvagos qui en apprécient l'herbe coupée et les jeunes repousses. Le broutage des lapins induit la formation de plages très rases (tonsures), de zones de refus, de "reposoirs" enrichis en matières azotées, de grattis mettant le sol à nu.

La pression de broutage est bien sûr variable d'une année à l'autre en fonction de la production de biomasse végétale et des populations de rongeurs qui fluctuent avec les causes de mortalité, en partiCUlier les épidémies de myxomatose ou la pratique de la chasse.
En définitive, à l'échelle de quelques années, le fauchage, complété par le broutage des lapins (et chevreuils) peut avoir, sur certaines pelouses, une action comparable au pâturage extensif par les ovins.

- le fauchage est une intervention quasi instantanée qui modifie brutalement le couvert végétal et a un effet désastreux sur l'entomofaune. Cela est vrai lorsque le fauchage est pratiqué avec des moyens mécaniques rapides pendant une périOde où les insectes ont une mobilité réduite. On peut cependant s'interroger sur l'impact que pouvait avoir sur l'entomofaune le passage d'un troupeau de plusieurs centaines de moutons avançant en rangs serrés cornme cela se pratiquait anciennement.

Les auteurs anglais ont effectivement constaté que le "blitzgrazing" (pâturage éclair), consistant à faire passer rapidement un grand troupeau, avait un effet catastrophique sur les insectes des pelouses.
En fait, si l'on pratique un fauchage manuel, qui est peu rapide, les insectes ont le temps de se déplacer devant les faucheurs.

Si l'on dispose d'une faucheuse ou d'un tondobroye ur tracté qui, effectivement, avance à ia vitesse de quelques kilomètres à l'heure, on risque d'engendrer quelques dégâts. Diverses précautions permettent de les limiter :

- faucher par temps chaud, ce qui est tout à fait possible même en automne. Les insectes conserveront une mobilité leur permettant de fuir devant la machine,

- ne pas pratiquer un fauchage centripète qui concentre les insectes au centre de la surface fauchée et les élimine en fin de parocurs. Pratiquer au contraire un fauchage centrifuge qui repousse les insectes vers les zones périphériques qui ne sont pas fauchées,

- enfin, éviter de faucher la totalité d'une pelouse. Fractionner plutôt les interventions dans le temps et l'espace en fauchant les parcelles de gestion par rotation sur plusieurs années.

 

 

Techniques de fauchage envisageables

En fonction de la configuration du terrain, et aussi des moyens en matériel et en personnel dont on dispose, diverses techniques de fauchage peuvent être mises en oeuvre.

- sur surfaces planes et peu caillouteuses :

  • tracteur + faucheuse; rateleuse (fanGuso) ; remorque pour exporter le foin,
  • tracteur + tondeuse-ramasseuse ; remorque (Cf. Réserve Naturelle deGrand~Pierre et Vilain).

- sur surfaces moyennement pentues et peu caillouteuses :

  • débroussailleuse autotractée, ratelage et ramassage manuel, (Cf. Conservatoire des Sites Lorrains).

-sur surfaces très pentues et peu caillouteuses :

  • tondeuse sur coussin d'air (valable surtout si {'herbe est rase); ratelage et ramassage manuel (Cf.réserves de Grande·Bretagne),
  • débroussailleuse manuelle à fil nylon, ratelage et ramassage manuel, (Cf. divers sites, dont réserves belges).

- sur toutes surfaces très caillouteuses :

  • débroussailleuse manuel à fil nylon, ratelage et ramassage manuel.

Fréquence des fauchages

Les auteurs anglais préconisent de faucher deux fois, et encore mieux trois fois, par an pour maîtriser le développement des graminées sociales.
A part certains secteurs limités au nord de la France, qui possèdent un climat et une végétation proche de ceux des îles britanniques et où peuvent être transposés les résultats obtenus outre-Manche, il est probable qu'un fauchage annuel devrait déjà avoir un impact positif significatif sur le tapis végétal de beaucoup de pelouses françaises.

Chaque gestionnaire devra, en fait, adapter sa "pression de fauchage" en fonction de la biomasse végétale existante, de la productivité, des conditions climatiques, de l'action des lapins ... Il n'existe malheureusement pas de formule ou de recette miracle valable en tout temps et en tout lieu.

Époque du fauchage

Là encore, il n'est pas possible de satisfaire tout le monde à la fois, compte tenu de la phénologie des espèces végétales qui se succèdent sur les pelouses et des cycles biologiques des arthropodes. Cela dépendra de vos objectifs et priorités.
Le compromis adopté par les gestionnaires de la réserve naturelle de Grand-Pierre et Vitain (et d'autres espaces protégés) consiste à faucher à la fin de l'été - début de l'automne (en septembre - octobre). Mais un fauchage en hiver, au printemps ou en été peut être pratiqué, ponctuellement, pour différentes raisons (résorption d'une tâche de Brachypode, gestion d'une station de Spiranthe d'automne, exigences d'insectes particulier...).